Lorsqu’on quitte n’importe quel endroit, il y a toujours des choses qu’on aurait vraiment voulu faire, et puis on n’a pas eu le temps. Ce qui est bien : ça fait une bonne excuse pour revenir ! Ainsi, j’aurais vraiment voulu aller à Bobo voir la ville, à Banfora pour les cascades et le reste, etc. Je laisse donc ça pour mon prochain voyage au Burkina !
Pour le blog, c’est pareil. Plein de choses que je notais quelque part pour vous en parler un jour… et puis voici le départ et l’occasion (ou le temps) a manqué.
Alors voici un peu d’en-vrac qui correspond assez bien à mes journées de départ où je fais toujours en un jour tout ce que j’aurais du faire en plusieurs semaines.
Babyfoot
Il y a plein de babyfoot en assez mauvais état à Nouna, et dans les villages aussi. Pour 10 ou 25 francs (donc à peu près rien) on peut faire une partie de 10 balles (un peu moins ou un peu plus parfois). Celles que j’ai faites avec Anatole se sont toujours terminées en match nul ! Assez étonnamment… On a aussi joué contre les gens d’un village une fois, c’était Nouna (Anatole et moi) vs Toni (deux personnes de ce village). Toni a gagné pratiquement toutes les parties, mais on a quand même fini par sauver l’honneur de Nouna…
Histoires d’Ibrahim
Ibrahim est un rasta de Nouna qui a pas mal voyagé au Mali et en Europe. Je lui ai acheté un bogolan une fois, une de ces couvertures en coton teintes avec des produits traditionnels. Cela vient du Mali, d’un village dogon où je suis allé d’ailleurs, et où Ibrahim a étudié cet art. Outre les bogolans, c’est aussi un grand raconteur d’histoires et de légendes, que nous avions écoutées une fois au clair de lune avec Estelle et Stéphane, mes collocs en novembre-décembre. Issu d’une famille noble, il connaissait pas mal des nombreuses coutumes et interdits, qui se perdaient plus ou moins (pas tout à fait, loin de là). Des légendes parlaient de la fondation de Nouna et du sacrifice d’un homme pour que la ville soit assurée d’avoir toujours de l’eau. Une autre parlait d’un grand guerrier qui volait des enfants, et de la manière dont son ancêtre (à Ibrahim) l’avait vaincu. Depuis, les gens de sa famille (ou de tout Nouna ?) n’ont pas le droit de se marier avec les gens de ce village-ci. S’ils essayaient de le faire, ils mourraient instantanément.
Hymne national
Le véritable hymne national burkinabè est assez violent – comparable à la Marseillaises de ce point de vue ! Il date de Sankara, et comporte le devise du pays : « la patrie ou la mort ». Je l’avais entendu pour la première (et seule ?) fois dans un match de foot à Ouaga. Mais ce n’est pas à lui que je pensais, tout de suite, c’est à… Cécile Dion. Je ne l’ai jamais autant entendue depuis que je suis au Burkina ! Surtout « Pour que tu m’aimes encore » (j’ai cherché ton cœur, si tu l’emportes ailleurs blablabla). Lors de sa sortie, il paraît qu’elle passait absolument tout le temps – en France aussi, mais cela s’est arrêté en France, pas ici ! A tel point que certains l’avaient baptisé « hymne national » ! Une amie m’avait parlé d’un délégué de classe qui l’écrivait au tableau chaque matin ! Alalala…
Cicatrices
De nombreux burkinabè (et pas du tout juste ceux des villages reculés, mais aussi des jeunes urbains, des élites, etc.) ont des cicatrices sur le visage (des scarifications on dit ? des cicatrices décoratives en tout cas). Bien que je n’aime pas trop l’idée de se faire mal et de s’ouvrir ainsi la peau pour des raisons esthétiques, je dois avouer que je trouve cela assez beau et impressionnant. Les Bwaba peuvent en avoir une quantité impressionnante, les Mossi aussi, mais souvent les jeunes n’en ont qu’une seule, sur une des deux joues. A l’origine, cela racontait plein de choses : on pouvait savoir qui tu étais, d’où tu venais. Maintenant c’est plus décoratif. Cela peut aussi avoir un usage médical : de toutes petites cicatrices qui se voient à peine sous les yeux, que l’on fait petit et dans lesquelles on injecte un produit donné, préviendrait très efficacement des crises de palu grave. C’est de la médecine traditionnelle…
J’ai failli…
… des tas de trucs ! Notamment j’ai failli mourir au bord de la piscine juste derrière chez moi. Comment est-ce possible, vous demandez-vous ? C’était probablement en octobre ou novembre (peut-être décembre, je sais plus), j’écrivais tranquillement une lettre au bord de l’eau sous les palmiers, quand soudain, une grosse noix de coco s’écrase à un mètre de moi ! Le personnel de la piscine a qualifié ça « d’attentat manqué ». J’ai écrit la fin de ma lettre… un peu plus loin !
« Zain, un monde merveilleux »
C’est tout simplement le slogan (qui m’a fait longtemps mourir de rire) de la société de téléphone la plus chère, celle que j’avais utilisée, pensant peu téléphoner de toute façon et espérant avoir du réseau partout même dans les villages. En fait, de ce point de vue, Telmob était mieux (tout le monde avait d’ailleurs ça à Nouna). La troisième c’est Telecel : entre Celtel, Telecel, Telmob, pas super évident de s’y retrouver au début. Bref, Zain avait racheté Celtel – prêtant à confusion à chaque fois que je demandais du crédit « Zain », d’autant que je n’ai jamais su avec certitude comment le prononcer – et faisait une campagne du pub immense à Ouaga, avec des affiches qui faisaient vraiment pub occidentales et assez anachroniques en plein Ouaga. Leurs couleurs étaient aussi super fashion, leurs boutiques high-tech. Les affiches en question : des filles éclatant de rire avec le slogan « Ton monde, tes fou-rires ». Un cadre heureux sautant dans les airs avec comme message : « Ton monde, tes réussites ». Je ne sais plus quelle image avec « Ton monde, tes amis ». Pour le coup, je n’ai pas été victime de la pub, plutôt de mon guide qui disait que c’était la meilleure compagnie. Mais bon, c’était cher, mais en gros ça marchait quand même. Et puis Orange, ce n’est pas un monde beaucoup plus merveilleux, n’est-ce pas ?
Arthur
Arthur est l’autre stagiaire de l’IRD (l’autre… après Sydney bien sûr !), étudiant en socio et en économie ; et lui aussi me fait mourir de rire – mais pas par dérision comme Zain, juste parce qu’il est très drôle. Il ne parle que par métaphore (souvent filée) humoristique. Il qualifiait les pains au chocolat que j’ai amenés une fois au bureau d’APD (aide publique au développement). Il décrivait avec beaucoup d’esprit les négociations avec un policier pour ne pas payer une amende (mais juste un « geste » pour remercier le policier… en gros payer deux fois moins mais ça finit dans la poche du flic et pas dans celles de l’Etat). Il désespérait d’être un Tanguy, obligé de rester habiter chez lui – alors qu’il aimerait bien partir, mais comme c’est le grand frère, que les autres sont ses petites sœurs et sa mère, que son père est décédé… il doit rester à la maison. Il peint assez bien son combat contre les maths, venant de la socio vers l’éco, et je me suis beaucoup retrouvé là-dedans ! (« pareil », si vous vous souvenez…). J’ai beaucoup aimé aussi ses pseudo-négociations avec ma chef où il demandait une augmentation de salaire pour faire face à la vie chère (réelle par ailleurs). Son histoire de « tête à queue sentimental » et donc de « convalescence amoureuse » m’a aussi fait mourir de rire.
Pubs contre le VIH
Il y en a pas mal, notamment à Ouaga, mais aussi dans les « zones à risque », là où beaucoup d’hommes se rendent de façon temporaire pour une raison économique : zones de pêche pendant une période de l’année, mines d’or, construction de routes, etc. A Ouaga, elles sont assez bien faites, j’aurais voulu en uploader deux (mais ne les ai pas sur moi). La première est « Cette fille a l’air clean, je ne me protège pas » avec un grand « FAUX » écrit (et un peu comme un truc barré avec le signe du VIH, l’écharpe rouge en forme de poisson un peu). L’autre, c’est « Tu me proposes le préservatif, tu ne me fais pas confiance », avec le même « FAUX ». Cela n’a peut-être rien à voir, mais le taux de séroprévalence est assez faible au Burkina comparé à d’autres pays, et j’ai souvent vu les gens acheter des préservatifs – on en vend partout, on trouve souvent les boites vides qui trainent dans la rue, etc. Mais je ne suis pas spécialiste du VIH au Burkina loin de là, comme d’habitude, je vous fais part de ma petite expérience.
Cousinage à plaisanterie
Je crois n’en avoir jamais parlé, et c’est assez important pourtant. Ce sont déjà juste des blagues entre les différentes ethnies, un peu comme en France on se moquerait des Normands peu expressifs et toujours dans le « pt’être bin qu’oui, pt’être bin qu’non », ou les Corses, ou les Marseillais, etc. Sauf que là, c’est davantage entre deux ethnies en particulier. Par exemple, Anatole, étant Dafing, se moquait systématiquement des Bwabas (Bobo) sur le fait qu’ils étaient casaniers, un peu taciturnes, peu éveillés, et passaient leur temps à boire du dolo ; ils sont réputés pour, sauf le dolo où je crois que c’était Anatole qui avait inventé ça. Il pouvait en effet se moquer d’eux pour tout et rien ; en revanche, dans un village Mossi, il ne pouvait pas. Une fois il a dit « si ça avait été un bwaba, je me serais moqué de lui ! ». On lui répondait parfois qu’il parlait autant qu’un perroquet, que c’était un aventurier, clichés qui concernent les Dafings. Ces plaisanteries sont assez bien prises en général – la plus fréquente est de dire que l’autre ethnie sont les esclaves de la votre, ce qui renvoie à une réalité historique un peu glauque parfois, mais souvent à rien du tout : les Peuls peuvent dire ça aux Bobos et les Bobos peuvent leur répliquer la même chose. Une fois, à la piscine, Thierno qui est Peul (poular) avait plaisanté des filles bobo sur le fait que ce sont des mangeuses de chenille (les Bobos sont réputés pour ça), et d’autres choses ; elles lui avaient dit d’aller chercher ses bœufs qu’il avait garés à l’entrée de la piscine, et d’autres blagues sur les Peuls. Parfois cependant, ça peut aller un peu plus loin : aux mariages, on peut… enlever la mariée, et ne la rendre que pour de l’argent ! Pire : aux enterrements, on enlève le cadavre, ou alors quelqu’un se met dans le cercueil à la place. Il faut encore une fois payer pour débloquer la situation. Il paraît que ça renvoie à la fois à des tensions / dominations encore existantes entre les ethnies, et que ça canalise celles-ci. Pour ce que j’ai observé – c’est-à-dire des choses beaucoup plus bénines que ces histoires de mariage ou d’enterrement – ce sont surtout des plaisanteries. NB : l’ethnie n’est pas du tout quelque chose de tabou au Burkina ; on dit son ethnie à la première occasion, que ça soit entre Burkinabè ou aux Européens… notamment pour ces plaisanteries ! Le mariage entre ethnies différentes m’avait semblé fonctionner sans aucun problème aussi ; j’ai découvert après qu’entre certaines d’entre elles cela pouvait poser des problèmes. Si j’ai bien compris, traditionnellement les Peuls et les Mossis (l’ethnie dominante au Burkina, avec laquelle toutes les autres ont une relation un peu bizarre ou tendue) ne se marient pas. De mon côté, probablement par hasard, mes trois meilleurs amis ici (Anatole, Louis et Sydney) étaient des Dafings. Et si la femme de Sydney l’est aussi, celle d’Anatole et la copine de Louis sont des Mossis… et ce sont des femmes avec beaucoup de personnalité !
La Vie Passionnante de mes Lunettes
Mes lunettes de soleil ont eu une vie burkinabè passionnante. Perdues dans une rizière marécageuse, elles ont été retrouvées par les agriculteurs, qui l’ont remise à l’enquêteur du Centre de recherche chargé de ce village, qui me les a rapportées à Nouna. Au bord du Mouhoun, elles sont tout simplement tombées dans l’eau alors que j’enlevais ma casquette – et n’ont pu être récupérées que grâce à ma grande adresse dans le maniement de la branche morte. De nouveau perdues, je les ai cherchées pendant une semaine dans tout Nouna, pour finalement les retrouver… dans le bureau de la secrétaire ! Elles avaient aussi disparu récemment et j’étais certain de les avoir fait tomber en ouvrant la portière de la voiture à un péage. En fait elles attendaient tranquillement dans leur étui. Et de nombreuses autres aventures encore… NB : ce n’est pas vraiment du soleil qu’elles me protégeaient, mais de la poussière, en mob. Du coup, j’avais un peu envie de les porter la nuit aussi, mais ce n’était pas super prudent : on ne voyait rien avec, du coup.
Et je m’arrête ici pour pouvoir poster ça avant de prendre mon avion. Dernier post « au Burkina ». Merci à tous pour votre lecture attentive et dynamique, c’était un vrai plaisir de partager tout cela avec vous.
Et pour ceux qui ont tout lu (comment ça, il n’y en a pas ? :-p) : ne vous inquiétez pas, malgré ce dernier post, il me reste des millions de choses que je n’ai pas eues l’occasion de raconter ici. Je vous vois déjà trembler : vous croyiez vraiment que je n’allais pas parler du Burkina et des Burkinabè pendant des mois encore ? Naïfs que vous êtes…